CHARLOTTE SMIDT : NUITS INTIMES

Un texte écrit à quatre mains par Agathe & Camille Mattei


    Charlotte Smidt, jeune artiste de la scène Marseillaise, explore le monde de la nuit. Elle recueille des témoignages, elle vole des moments et entre dans l’intimité de personnages qu’elle croise au cours de ses soirées, de fêtes. Ce qui l’intéresse, c’est de saisir des traces, sensibles, de ce que nous sommes quand nous baissons la garde.

Charlotte Smidt, 2018-2019

Mais que fait Charlotte Smidt ?

    C. Smidt n’a pas besoin d’aller chercher ses modèles et ses personnages dans les recoins les plus cachés de la ville : ils l’entourent, ce sont ses ami·e·s, ses compagnons de soirées, qui nous disent tous quelque chose de nous, et du contexte socio-urbain dans lequel évolue la jeunesse aujourd’hui.
A travers des stéréotypes parfois assumés, comme la figure de la cagole, elle cherche à montrer la diversité des façons d’être. Cette catégorie bien marseillaise de la jeunesse l’inspire pour la manière dont elle investit l’espace, s’imposant et se faisant remarquer par son style, comme refus d’une domination symbolique, d’une injonction à la sobriété, à la raison, au minimalisme. Souvent composé de couleurs vives à l’opposé de l’omniprésente sobriété vestimentaire, le style de la cagole représente alors chez C. Smidt un idéal de liberté de moeurs, en osant se montrer, pour elles-mêmes, de jour comme de nuit.

Ses dessins, comme des illustrations grotesques d’un quotidien nocturne grossi à la loupe, captent les moments de pause, de discussions en forme de bilan, qui peuvent survenir dans la fête. Au cœur d’une soirée au rythme effréné, on suspend soudain la danse pour se recentrer sur qui nous sommes…pour mieux l’oublier aussitôt. Du dessin, à la photographie en passant par le format vidéo, l’oeuvre de Charlotte transcende les supports, façonnant le monde qui l’entoure, qu’ils soient paysages urbains ou instants vécus.

Ces oeuvres livrent un récit sensible qui se construit au fil de la narration, et qui donne finalement à voir le lien entre la parole et le réel: ces derniers deviennent de véritables dessins de vie(s).
Les creux, les interstices, les pauses, le calme avant la tempête, sont autant d’instants souvent négligés mais pourtant constitutifs de ce qu’est la fête, et qui offrent un répit dans la violence de la nuit. C. Smidt les transcrit, et les élève ainsi au rang de symboles de la jeunesse.


“M.A.P”, 2019

Mais qui est Charlotte Smidt ?   

Elle arrive à Marseille dans sa prime jeunesse, après avoir vécu quelques années dans les Caraïbes. Si elle étudie le graphisme à l’EPSAA, à Paris, où elle vit depuis 3 ans, c’est à Marseille qu’elle est le plus attachée (et on ne saurait la contredire), et où se mettent en scène les souvenirs de l’adolescence. C’est cette ville qui l’a vue grandir et se construire, au fil des rencontres, celles de passage comme celles qui durent. L’amitié est en effet pour elle une chose très précieuse, qu’elle cultive avec soin. Elle admire ses ami·e·s pour la diversité de leurs manières d’agir, de penser, de raconter leurs histoires, qui font d’eux·elles, peu à peu, ses muses. Son envie de transcrire les moments qu’ils partagent est une source importante de son travail, entre fous rires, banalités, quotidien partagé et disputes éphémères.

Les amitiés se construisent alors, au sein d’un milieu urbain auquel elle veut rendre hommage. Au fil de ses équipées nocturnes, les lieux de la fête quadrillent la ville : le long du Boulevard Baille, autour du Vieux Port, des longues nuits aux Docks des Suds, ou au Cabaret Aléatoire. Parce que c’est l’une des villes les plus étendues de France, et qu’après une heure du matin on ne peut plus bouger qu’à pied, la nuit en ville se déroule au rythme des pas et des rues que l’alcool aide souvent à ne pas sentir passer. Au sein des espaces plus intimes aussi, loin des foules, lors des longues soirées en ne faisant absolument rien d’utile, parce que c’est parfois justement nécessaire, sur les balcons des trois fenêtres. Marseille, pour C. Smidt, est une ville entre nostalgie et redécouverte permanente. Les mêmes lieux, à l’infini, lorsqu’on peut  “redescendre”: la Plaine, le Cours Ju, le Parc Borély ou les Goudes.
En somme, parce que Marseille est ce qu’elle est, et que quand on est jeune et qu’on sort on doit se démerder, mais que c’est aussi ça qu’on cherche, cette ville a fait d’elle la personne qu’elle est aujourd’hui.


Pour voir plus de travaux de C. Smidt : Charlotinaa 

(C’est Raphaël Royer qui a réalisé et monté cet entretien)

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